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La Wallonie dispose de règles spécifiques en matière de bail d’habitation

Actualités - 12/04/2018
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Auteur(s) : 
Benoît Lysy


La Région wallonne se dote à son tour d’une réglementation spécifique en matière de bail d’habitation. En effet, depuis la sixième réforme de l’Etat, les Régions ont la compétence d’arrêter leurs propres règles relatives à la location de biens destinés à l’habitation, y compris les situations particulières telles que la colocation, le logement étudiant et le « bail glissant ». Ces nouvelles dispositions seront applicables à partir du 1er septembre 2018. La régionalisation au niveau wallon du bail d’habitation sera ultérieurement intégrée au sein du Code wallon du Logement et de l'Habitat durable, qui constituera donc l’unique acte législatif de référence pour cette matière.

Règles générales

Le législateur wallon a prévu un corps de règles générales relatives aux baux d’habitation, suivi de différents chapitres spécifiques aux baux particuliers (résidence principale, colocation etc.). Signalons également que la réforme du bail d'habitation (au sens large) porte également sur les biens meubles, afin de tenir compte du développement de l’habitat léger ou alternatif (yourtes, péniches, cabanes, caravanes, etc.).

Les règles générales s’appliquent donc aux baux non régis par des dispositions particulières, mais peuvent également compléter celles-ci à certains égards. Il s’agit donc de règles communes à tous les types de baux d’habitation, auxquelles certains baux spécifiques vont partiellement déroger.
Ces règles générales portent sur les éléments essentiels du contrat de bail, la communication publique, les droits et obligations du bailleur et du preneur, les frais et charges imposés aux preneurs, l’indexation du loyer, l’état des lieux, les modalités d'exécution et de fin de bail, la transmission de l'habitation louée, le décès du preneur, la sous-location, la cession de bail, le bail à rénovation et, enfin, les baux des biens des mineurs.

Parmi les éléments essentiels du bail, il est désormais clairement précisé que tout bail d’habitation (et pas uniquement le bail de résidence principale) doit être établi par un écrit, qui doit au moins contenir :
l'identité de toutes les parties contractantes ;
la date de prise en cours ;
la durée et le type du bail ;
la désignation de toutes les pièces et parties d'immeuble couvrant l'objet locatif ;
le montant du loyer hors charge ;
le montant et la nature des charges communes éventuelles et des charges privatives, si celles-ci ont un caractère forfaitaire (ce qui doit alors également être indiqué) ;
dans le cas d'immeubles à habitations multiples, si le montant des charges n'est pas forfaitaire, le mode de calcul des charges et la répartition effectuée ;
la mention de l'existence de compteurs individuels ou collectifs ;
ainsi que la date du dernier certificat PEB, le cas échéant, ainsi que l'indice de performance attribué au bien loué.

Le gouvernement wallon est chargé d’établir une « annexe » pour chaque type de bail, afin de fournir une explication synthétique et pédagogique des dispositions légales relatives à ces différents éléments. De même, il est chargé d’élaborer un modèle-type de contrat de bail à valeur indicative.

A noter également qu’il existe désormais une procédure permettant à une partie au contrat de bail de contraindre l’autre partie à rédiger ce contrat par mise en demeure et, le cas échéant, par la voie judiciaire. Cette possibilité n’était jusqu’ici prévue que pour les baux de résidence principale, et vaut désormais pour tous les types de baux d’habitation.

Toute communication publique ou officielle de mise en location doit au moins contenir, sous peine d’amende :
le montant du loyer hors charges ;
le caractère forfaitaire ou provisionnel des charges privatives et communes éventuelles ;
le montant et la nature des charges communes éventuelles ;
et le montant et la nature des charges privatives si celles-ci ont un caractère forfaitaire.

Les droits et obligations du bailleur comprennent le droit de solliciter du candidat preneur un certain nombre d’informations personnelles en vue de procéder à la sélection et à la conclusion du contrat de bail. Il s’agit notamment des nom et prénom du candidat, de son adresse, de sa date de naissance, de sa composition de ménage (et de son état civil), du montant de ses ressources financières, ou encore de la preuve du paiement des 3 derniers loyers. Afin d’éviter toute forme de discrimination, le bailleur ne peut demander aucune autre donnée à moins qu'elle ne poursuive une finalité légitime et que la demande soit justifiée par des motifs sérieux et proportionnés avec la finalité poursuivie.

En outre, le bailleur doit délivrer l’habitation louée en bon état de réparations de toute espèce. De même, le logement doit respecter les exigences de sécurité, de salubrité et d'habitabilité durant toute la durée du bail, et ce, quel que soit le bail d’immeuble d’habitation (sauf le bail à rénovation).

De son côté, le preneur doit occuper le bien en bon père de famille, et doit payer le prix du bail dans les délais convenus. Il reste tenu des réparations locatives ou de menu entretien, et doit répondre des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance (notamment en cas d’incendie, pour lequel il doit être assuré), y compris celles causées par des sous-locataires.
A ce sujet, la sous-location est interdite, quelle que soit la forme du bail, sauf accord écrit et préalable du bailleur. Un régime particulier est toutefois prévu lorsque le preneur est un opérateur immobilier, une ASBL, une fondation d'utilité publique ou une société à finalité sociale, qui peuvent sous-louer le bien dans sa totalité à une ou plusieurs personnes physiques à condition que celles-ci soient des personnes démunies ou se trouvant dans une situation sociale difficile et qu'elles affectent exclusivement le bien à leur résidence principale, et pour autant que le bailleur ait donné son accord .

Les frais et charges imposés au preneur correspondent à des dépenses réelles, sauf si le bail prévoit expressément qu’ils sont fixés forfaitairement. Les sommes payées au-delà de celles dues en vertu du bail doivent être remboursées.
L’indexation du loyer peut être prévue dans le contrat, mais ne peut être appliquée qu'une fois par année de location et au plus tôt au jour anniversaire de l'entrée en vigueur du bail.

Les parties doivent dresser un état des lieux d'entrée détaillé contradictoirement et à frais communs, soit au cours de la période où les lieux sont inoccupés, soit au cours du premier mois d'occupation. Pour leur faciliter la tâche, le gouvernement wallon établira prochainement un modèle-type d'état des lieux d'entrée à valeur indicative. Le législateur a toutefois d’ores et déjà prévu une liste d’éléments que doivent comporter les états des lieux d’entrée et de sortie.

Les règles générales du bail d’habitation comprennent également diverses modalités d'exécution et de fin de bail. Par exemple, le bail conclu pour une durée indéterminée est censé être fait au mois, et il ne peut y être mis fin que moyennant un congé d'un mois. Par contre, si à l'expiration du bail conclu pour une durée déterminée, le preneur reste dans les lieux sans opposition du bailleur (et sans que le congé soit signifié), le bail est reconduit aux mêmes conditions, y compris la durée.

Par ailleurs, le bail est résilié de plein droit trois mois après le décès du preneur sans préavis ni indemnité. La nouvelle réglementation organise également la cession du bail consentie par le bailleur en faveur d’une personne domiciliée plus de 6 mois avant le décès du preneur, et règle la reprise des lieux loués par le bailleur si l’habitation est inoccupée, ainsi que la récupération de la garantie locative.

La cession du bail est interdite sauf accord écrit et préalable du bailleur. Dans ce cas, le cédant est déchargé de toute obligation future sauf convention contraire incluse dans l'accord sur la cession du bail.

Signalons également que les baux des biens des mineurs sont gérés selon les dispositions du Code civil applicables aux baux consentis par l'usufruitier.

Enfin, les parties peuvent convenir par écrit à tout moment que le preneur s'engage à réaliser à ses frais et dans des délais précis, des travaux déterminés dans le bien loué, qui incombent au bailleur. On parle alors de bail de rénovation, dont les modalités peuvent déroger aux exigences de sécurité, de salubrité et d'habitabilité.

Bail de résidence principale

Le bail de résidence principale est donc un bail dérogatoire au droit commun. Il vise à assurer une protection renforcée du preneur qui établit sa résidence principale dans le bien loué.

Il s’agit d’un bail de 9 ans (ou 3-6-9), auquel le preneur peut mettre fin à tout moment moyennant un congé de trois mois, et auquel le bailleur peut mettre fin en vue d’occuper personnellement le logement. Par dérogation, il reste possible de conclure un bail de courte durée (moins de 3 ans) ou de longue durée (plus de 9 ans). De même, lorsque le bail vient à échéance, il peut encore être prorogé pour « circonstances exceptionnelles ».

Le bailleur ne peut refuser l’affectation du bien à la résidence principale du preneur que moyennant une justification expresse et sérieuse, relative notamment à la destination naturelle des lieux, et la clause doit être accompagnée de l'indication de la résidence principale du preneur au cours du bail.

L'obligation d'enregistrement du contrat de bail de résidence principale repose sur le bailleur. Les frais liés à un enregistrement tardif éventuel sont entièrement à sa charge. Au-delà du délai de 2 mois prévu par le Code des droits d'enregistrement, et aussi longtemps que le contrat de bail n'est pas enregistré, le délai du congé et l'indemnité à la charge du preneur ne sont pas d'application, pour autant qu'une mise en demeure d'enregistrer le bail, adressée par le preneur au bailleur, soit demeurée sans effet pendant un mois.

Le législateur précise encore les modalités spécifiques relatives à la révision du loyer (entre le neuvième et le sixième mois précédant l'expiration de chaque triennat) et des charges, notamment en cas de baux successifs, à la garantie locative (qui ne peut excéder un montant équivalent à 2 ou 3 mois de loyer, selon sa forme), ou encore à la transmission de l'habitation louée.

Colocation

La colocation consiste en la location d'un même bien par plusieurs colocataires ayant signé un pacte de colocation au plus tard à la signature du contrat de bail, et dont la date de signature est reprise dans le contrat de bail. Il est formalisé par la conclusion d'un contrat unique entre les colocataires et le bailleur. L'habitation prise en location comprend au minimum une pièce d'habitation ou un local sanitaire commun à tous les colocataires. Les colocataires sont solidairement tenus de l'ensemble des obligations qui découlent du bail.

Attention, pour peu qu’un seul des preneurs affecte le bien loué à sa résidence principale (avec l'accord exprès de tous les colocataires et du bailleur), les règles du bail de résidence principale seront applicables au bail de colocation. Si aucun des colocataires n'affecte le logement à sa résidence principale, les règles générales du bail d’habitation seront d’application.

Lorsque l’ensemble des colocataires mettent fin au bail en même temps, le congé doit être signé par chacun d'entre eux. En cas de départ anticipé d'un colocataire, celui-ci doit notifier simultanément au bailleur et à ses colocataires un congé de trois mois. Si aucun remplaçant n’est trouvé dans cette période, le colocataire partant devra verser aux occupants restant une indemnité équivalente à trois fois sa part dans le loyer.
A noter que lorsqu’au moins la moitié des colocataires ont donné leur congé, le bailleur peut mettre fin à la colocation tout entière par la notification d’un congé de six mois, et ce dans le mois suivant la notification du dernier congé d'un colocataire.

Le législateur organise également le pacte de colocation, qui fixe les droits et devoirs réciproques des colocataires. A cet effet, le gouvernement établira également ultérieurement un modèle-type indicatif de pacte de colocation.

Bail de logement étudiant

Un bail de logement étudiant est un bail d'habitation relatif à la location d'un bien, par ou pour le compte d'un étudiant, dans le cadre de l'accomplissement de ses études.

Lors de la signature du bail (ou un mois avant la prorogation de celui-ci), l’étudiant doit apporter la preuve de son inscription dans un établissement d'études de cycle secondaire ou organisant l'enseignement supérieur, ou auprès d’une commission d'examen d'un jury central.

Par défaut, le bail de logement étudiant est conclu pour une durée d’un an, mais les parties peuvent convenir d’une durée inférieure. Il prend fin à l'expiration du terme convenu moyennant un préavis d'un mois notifié par l'une ou l'autre partie. Les baux conclus pour une durée d’un an peuvent être prolongés pour la même durée, aux mêmes conditions que le bail initial, an lorsque l’étudiant continue à occuper les lieux sans opposition du bailleur. Il en va de même pour les baux inférieurs à un an, auquel cas, le bail est réputé conclu pour une durée d’un an.

Le preneur peut mettre fin au bail anticipativement moyennant un préavis de deux mois et le versement d'une indemnité de trois mois de loyer au bailleur. Toutefois, ce préavis ne peut pas être donné après le 15 mars. De même, dans certains cas, l’indemnité ne sera pas due par l’étudiant, notamment en cas d’abandon d'études attesté par l'établissement d'enseignement.

La sous-location du kot étudiant est possible dans certains cas, avec l'accord explicite ou présumé du bailleur, notamment lorsque l'étudiant est amené à être éloigné de son lieu d'étude habituel pour une période supérieure à un mois en vue de la poursuite de ses études. La durée de la sous-location ne peut toutefois pas excéder celle du bail principal restant à courir.

A noter encore que les kots étudiants peuvent se voir attribuer un label « logement étudiant de qualité », dont le gouvernement définira les exigences et les modalités d’octroi.

Bail glissant

Le Code wallon du Logement et de l'Habitat durable définit le bail glissant comme un bail d'habitation conclu entre un bailleur et un des opérateurs immobiliers déterminés par le Gouvernement en vue d'une sous-location du bien loué à une personne en état de précarité qui dispose du droit, à l'issue de son accompagnement social et pour autant que les objectifs de celui-ci soient atteints, de se voir automatiquement céder le bail principal dont elle devient ainsi le preneur direct.

Concrètement, une personne morale (reprise dans une liste que le gouvernement wallon est chargé de dresser) peut, avec l'accord exprès du bailleur, conclure un bail de résidence principale portant sur un bien d'habitation pour le sous-louer simultanément avec le même objet à la personne dont elle est responsable du suivi. Comme en Région bruxelloise, où un type de bail similaire est également organisé, l’objectif est ici d’encadrer juridiquement une pratique d’accompagnement social par le logement, qui court parfois le risque de voir certains baux requalifiés en convention d’occupation précaire par la suite, ce qui va à l’encontre de la stabilisation sociale poursuivie par des associations accompagnant les personnes fragilisées.

Le contrat de bail glissant doit contenir spécifiquement l'identité du sous-locataire bénéficiaire du suivi social qui occupe le bien loué, ainsi que les objectifs généraux poursuivis par la personne morale afin de s'assurer de la capacité pour le sous-locataire de reprendre à sa charge les obligations découlant du bail principal.

Dans le cadre d’un bail glissant, le bail principal et la sous-location sont conclus pour une durée maximale de trois années. Deux mois avant l'expiration de la première et de la deuxième année du bail, et le cas échéant au plus tard six mois avant l'expiration de la troisième année du bail, la personne morale qui a conclu le bail principal peut le céder au sous-locataire (qui devient le preneur direct du bailleur), pour autant qu'elle estime qu'il a atteint les objectifs de l'accompagnement social définis en début de bail. Les dispositions relatives au bail glissant ne sont dès lors plus applicables.

Par contre, si la personne morale constate que le sous-locataire n'a pas atteint ces objectifs, le bail ne pourra pas être prorogé. Elle pourra alors résilier le bail glissant.

Grille indicative des loyers

Enfin, le législateur wallon habilite le gouvernement à établir une grille indicative des loyers, qui fixe donc les loyers par catégorie d'habitation et par secteur géographique en fonction de la structuration du marché locatif et à partir des niveaux de loyers constatés statistiquement. La grille tient également compte des caractéristiques de confort lorsque celles-ci sont déterminantes statistiquement à partir des niveaux de loyers constatés sur le marché locatif.

Les catégories d'habitation sont déterminées en fonction des caractéristiques relatives au type d'habitat, au nombre de pièces principales, à leurs attributs (pièces, locaux sanitaires, superficie, etc.), et à l'année de construction ou de grosses rénovations. Les secteurs géographiques délimitent quant à eux des zones homogènes en termes de niveaux de loyer constatés sur le marché locatif.

Les montants indiqués par la grille seront adaptés annuellement à l'évolution du marché locatif sur la base d'un échantillon représentatif d'habitations mis en location sur l'ensemble de la Wallonie.

Le gouvernement publiera cette grille ultérieurement en précisant que son utilisation n’est pas obligatoire. Il l’accompagnera d’explications pédagogiques sur son utilisation, sur son champ d'application, et sur le calcul d'éventuelles majorations ou minorations du loyer.

Entrée en vigueur

Ces nombreuses dispositions entreront en vigueur le 1er septembre 2018.

Source: Décret du 15 mars 2018 relatif au bail d'habitation, M.B., 28 mars 2018
Voir également
Ordonnance du 27 juillet 2017 visant la régionalisation du bail d'habitation, M.B., 30 octobre 2017 (régionalisation au niveau bruxellois du bail d’habitation)